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L'histoire du Château Yquem 2022

L'histoire du Château Yquem 2022

BARNES Fine Wines | vendredi 14 mars 2025 | Coup de coeur |
C’est par l’épreuve du feu qu’on reconnaît l’or pur. C’est par les épreuves qu’on reconnaît l’homme de cœur
Sénèque

Lorenzo Pasquini, œnologue italien, a rejoint Château d’Yquem en tant que directeur d’exploitation en 2020 après dix ans d’expérience sur trois continents. Avec le recul, il reconnaît aujourd’hui que rien ne peut réellement préparer à la vinification à Sauternes. « Ici, c’est comme si tous les ans nous avions deux millésimes en un, » explique-t-il. « Nous rencontrons les mêmes difficultés que tous les vignerons pour cultiver les meilleurs raisins possible mais une fois qu’ils sont mûrs, la deuxième mi-temps commence – l’attente du botrytis, ou pourriture noble – et elle peut très bien se terminer de manière catastrophique. » À Château d’Yquem, c’est souvent ce « deuxième millésime » qui éprouve la force de caractère de l’équipe. Car s’il est possible de produire de grands vins sans botrytis, ce n’est pas le cas pour Yquem. Intrinsèquement liées à l’identité même du domaine, il y a cette acceptation d’un risque énorme, la possibilité de perdre un millésime entier au nom d’un idéal : un vin élaboré exclusivement à partir de raisins concentrés à la perfection par la pourriture noble. « La beauté de ce vin a un prix, celui d’une grande incertitude, et d’une grande perte, » affirme Lorenzo Pasquini. « Si l’on est capable de l’accepter, ce que l’on a la chance de récolter est tout simplement sublime. » En 400 ans d’histoire, la renommée de Château d’Yquem s’est ainsi construite à la fois sur les vins qu’il a produits et ceux auxquels il a renoncé, soit dix millésimes rien que depuis 1910. Pour Toni El Khawand, le maître de chai d’Yquem, cette philosophie de l’excellence à tout prix a effectivement mené à des sacrifices, mais elle a aussi permis au domaine de produire des vins d’une régularité peu commune. « J’ai toujours considéré qu’à partir du moment où l’on décide de mettre un Yquem en bouteille, c’est obligatoirement un grand millésime, » dit-il. « Et malgré tout, chaque millésime a sa propre personnalité, car chaque millésime porte l’empreinte des circonstances uniques qui ont accompagné la maturation des raisins et le développement de la pourriture noble. » C’est cette empreinte qui fait la différence entre les grands millésimes et les millésimes de légende. Car parfois, certaines années, ces circonstances sont si exceptionnelles qu’elles contribuent à écrire une histoire qui restera dans les mémoires : celle du passage d’une comète ou d’une guerre mondiale, de pluies diluviennes ou d’un soleil de plomb. C’est pourquoi, prédit Lorenzo Pasquini, « On racontera encore l’histoire du millésime 2022 dans un siècle – tout en le dégustant. »

« On racontera encore l’histoire du millésime 2022 dans un siècle – tout en le dégustant. »
La malédiction du deux ?

Une année marquée par la chaleur et la sécheresse, les incendies et la peur, mais aussi par la solidarité et le courage face à ces nouveaux défis et, au final, l’immense générosité de la nature… Pour beaucoup à Château d’Yquem, seul un superlatif permet de résumer 2022 en un mot : « intense » pour Toni El Khawand ; « extrême » pour Thomas Robert, le chef de culture ; et « extra-ordinaire » pour Lorenzo Pasquini, qui résume ainsi à la fois les conditions climatiques et le stress permanent subis au cours d’une campagne digne d’un thriller faisant lentement monter le suspense. Et cette tension a encore été exacerbée par la crainte inexprimée de tous les vignerons de Château d’Yquem face aux millésimes finissant en 2, une peur instillée par les crève-cœurs des générations passées : en 2012, 1992, 1972 et 1952, aucun vin n’a été produit au château. « Il y a ce sentiment que le chiffre 2 est maudit à Yquem, » explique Pasquini. « Alors commencer un millésime avec trois 2, c’est sûr qu’il y avait une certaine appréhension… Puis nous avons connu de véritables montagnes russes, avec une année qui nous a donné toutes les raisons d’être inquiets.» Une autre année crève-cœur était-elle inéluctable ?

2022, une folle année, un millésime fou, littéralement extra ordinaire, qui ouvre une nouvelle interprétation du temps d’Yquem.
2022, une folle année, un millésime fou, littéralement extra ordinaire, qui ouvre une nouvelle interprétation du temps d’Yquem.

Château d’Yquem 2022

« Les étés d’autrefois brûlent dans les bouteilles d’Yquem ». Jamais millésime ne fût si beau reflet de la vision poétique de François Mauriac. Car 2022 fût de ces années-là : chaleurs folles et sécheresse prolongée, la succession de phénomènes extrêmes a nourri bien des inquiétudes au sein des équipes. Mais, plus que tout, a généré un Château d’Yquem puissant, solaire et exubérant. Implacable pour les hommes et la nature, les semaines de l’été 2022 ont engendré une maturation des raisins aussi fulgurante que prometteuse. Les principales lignes d’un chef d’œuvre annoncé s’écrivaient chaque jour dans les vignes. Encore fallait-il que la pluie faiseuse de miracle tombe enfin. Il fallut attendre jusqu’au matin du 15 octobre pour que Botrytis cinerea se répande rapidement et généreusement. Un nouvel épisode de douceur et un vent de Sud-Est constant sonnèrent alors l’heure d’une magnifique vendange. La légende de Château d’Yquem 2022 s’est ainsi écrite dans une fièvre devenue fougue, une angoisse changée en triomphe. Elle porte la promesse d’un vin à l’exceptionnelle capacité de vieillissement, comme chaque millésime marqué de l’empreinte des grands soleils.

Commentaire de dégustation de l’équipe technique

Fruit d’un millésime solaire hors-normes, le Château d’Yquem 2022 s’impose par sa structure solide et puissante. Dès les premiers instants de la dégustation, il se distingue par l’intensité de ses notes rôties, tel un sceau que la pourriture noble de grande qualité lui a fermement apposé. Ces notes rappellent la poire et le citron confits, ainsi que la marmelade d’orange. De cette assise de fruits émanent des effluves de fleurs délicates de tilleul et de frangipanier, sublimés par la douceur d’un muguet fraîchement épanoui. Le nez amandé et gourmand laisse déjà présager une grande richesse en bouche. Par sa vivacité d’attaque et ses arômes de fruits confits, le Château d’Yquem 2022 rappelle résolument la confiture d’abricot. Dense et onctueux, il enrobe le palais en révélant ses notes de cire d’abeille, de caramel et de pâte de coing. Sa texture poudrée se prolonge par une salinité et de beaux amers en finale, qui viennent appuyer l’expression de l’orange amère confite si caractéristique des vins d’Yquem.

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